Plus encore que des vanités rappelant la condition de mortel, les oeuvres de Benoit Huot sont des conjurations. Conjurations à la « charogne » baudelairienne (Les Fleurs du Mal). La mort est passée, mais le « ventre plein d’exhalaisons » est rempli de perles ou de rubans, et la « vermine » ne l’a pas « mangé de baisers ». C’est le refus de la putréfaction autant que l’acceptation de la mort.
La taxidermie fige le temps, fixe le corps. Elle coagule le passage d’un état à un autre. (…)
Mais si il y a réification de l’être vivant, ce passionné d’arts premiers et religieux veut en faire des « objets actifs ».
Objets de corps exsangues, inanimés mais puissants, magnifiés. Momies, crânes surmodelés, têtes réduites. On ne peut que penser aux rituels chamaniques face à ce bestiaire aux racines multiples, de l’Egypte à l’Amazonie en passant par la Papouasie. On vit un Dia de los Muertos sylvestre, empreint de cette morbidité joyeuse qui transforme les crânes en sucreries. Il s’agit peut-être d’accompagner le passage vers l’au-delà, de commémorer la vie, ou de s’abreuver de l’énergie du défunt.
Cette multiplicité de sources est une luxuriance et une réactivation des mémoires anciennes et communes.
Une hybridité mystique d’ »objets actifs » qui sont autant de relais entre les esprits et les mondes.
(…) Les animaux disparaissent, de temps à autre, des oeuvres de Benoit Huot. Ils sont avalés, recouverts, métamorphosés, et deviennent une matière première parfois secrètement cachée, à l’image des « paquets funéraires ».
Des crânes et des mannequins de vitrine se joignent aux bêtes. Dans ces assemblages de corps revitalisés, plus d’homme ou d’animal, plus de charogne ou de cadavre. Que de la matière, noble et enveloppante, consolante et inquiétante, en transition : vivante !